Découverte transcendante

J’ai rencontré Kurt bien avant de comprendre ce qu’il cherchait vraiment.
Il parlait peu. Vivait seul. Travaillait tard. Et portait ce silence étrange qu’on reconnaît chez ceux qui traquent quelque chose qu’ils ne peuvent nommer.

C’est seulement plus tard qu’il m’a parlé de sa machine. Le Neurovers.
Un dispositif expérimental, capable d’induire un état de rêve lucide maintenu — un seuil artificiel entre conscience et oubli.

Il s’en servait pour plonger dans sa mémoire. Ou ce qu’il pensait en être.
Des années à consigner dans des carnets ses immersions, qu’il appelait des « sauts ».
Des années à chercher ce qu’on lui avait peut-être volé.

Je l’ai peint peu de temps avant sa disparition. Il gardait le casque sur la tête. Je n’ai pas insisté. Je croyais encore à une forme de respect. Aujourd’hui, je me dis que j’ai peut-être manqué quelque chose.

Parfois, je regarde le tableau. Il me semble incomplet. Mais finalement, c’est peut-être ça, son vrai visage : un homme qu’on ne peut jamais vraiment voir.

Maintenant, c’est à nous de porter l’inexplicable.

Il n’a laissé ni trace, ni adieu. Juste cette toile. Les carnets originaux ont disparu avec lui.Mais quelques fragments, qu’il m’avait transmis subsistent. 

Je ne sais pas ce qui relève du rêve, de la mémoire ou d’autre chose. 

Et si ce qu’il avait vu… expliquait sa disparition ?
Et si cette machine n’ouvrait pas seulement des portes vers lui-même, mais vers quelque chose d’extérieur ?
Quelque chose qui l’attendait ?

Fragments extraits des carnets

Saut n°001 — Activation initiale

9 août 2149 — Première activation complète du protocole 124
Induction réussie.
Fusion des ondes Thêta 4Hz / Gamma 80Hz.
Superposition stable pendant 11 minutes.

Je suis resté conscient.
Le rêve était vide au début.
Noir total.
Puis des points apparaissent. Lents. Pulsants.

Pas d’émotion. Pas d’image précise.
Mais la sensation étrange… d’avoir ouvert quelque chose.

Saut n°006 — Frémissement

18 août 2149
Cette fois, le noir n’est pas vide.
Quelque chose bouge au loin. Lentement.

J’ai voulu m’en approcher, mais j’ai été expulsé.
Retour brutal.
Ma main tremble encore.

Saut n°017 — La lueur

15 septembre 2149 — État stable, bonne cohérence
Je contrôle le rêve dès la 2e minute.
Je me retrouve dans un espace sombre, sans sol ni plafond.
Une lueur fine au loin, comme une faille qui me fuit.

J’entends un bruit… un souffle ? Ou un signal ?
Je commence à douter :
est-ce que je rêve… ou est-ce que je capte quelque chose ?

Saut n°027 — Structure

8 octobre 2149
La forme est revenue.
Plus grande. Plus nette.

Un espace fermé. Angles étranges. Sol instable.
Les parois semblaient respirer.
Il y avait des marques. Alignées.
Je ne sais pas si c’était une langue… ou une cicatrice encore vivante.

Saut n°041 — La présence

29 octobre 2149
Visions plus nettes. Le contrôle s’améliore.
Le rêve devient un lieu. Le lieu devient… familier.

Je ne sais pas si je l’ai vu… ou si je l’ai déjà traversé.

Mon Dieu.
Ce soir, j’ai dû m’arrêter.
Je suis encore sous le choc de ce que j’ai vu.
Ce lieu. Cet être.
C’est un cauchemar.
Ou peut-être… la vérité que je n’étais pas censé retrouver.

"Écoute tes rêves. Eux savent ce que tu ignores."